HÔPITAUX PUBLICS EN CÔTE D'IVOIRE : MOURIR DANS L'INDIFFÉRENCE.

Perdre la vie dans un hôpital, cela peut arriver à tout moment. Mais lorsque la mort est causée par l’action ou plutôt l’inaction conjuguée du personnel hospitalier et des pouvoirs publics, il y a problème. Il faut aussitôt réfléchir au remède qui mettra fin au mal.

Une fois de plus le droit n’a pas été respecté dans un hôpital ivoirien. Le décès d’une jeune fille dans le service des urgences du plus important CHU de Côte d’Ivoire alimente à nouveau le débat sur le problème de l’accès aux soins et de la prise en charge des patients dans les hôpitaux publics du pays.

Nous ne cessons de dénoncer depuis un moment ce qui se passe dans les structures hospitalières ivoiriennes : affairismes, vol et revente de médicaments, laxisme, corruption et surtout volonté manifeste de certains personnels de santé de déroger aux règles élémentaires afférant au respect et à la protection de la dignité de la personne humaine.

Les médecins et autres personnels de santé ont juré de tout mettre en œuvre pour sauver des vies, alors comment comprendre que l’on puisse laisser une patiente arrivée aux urgences dans un état critique perdre la vie au bout de plusieurs heures sans qu’un médecin ne daigne l’ausculter.
Les médecins ont en vertu du serment d’Hippocrate pris l’engagement de tout faire pour sauver des vies, ils ont accepté de se soumettre au Code de déontologie qu’ils ont eux-mêmes rédigé.
L’article 34 de ce Code ordonne au médecin de se rendre au chevet du patient en cas de danger, s’il ne le fait pas, il sera poursuivi pour non-assistance à personne en danger et pour omission de porter secours à une personne en détresse.Infractions respectivement punies par les articles 278 et 352 du code pénal ivoirien.

Les médecins et agents de santé doivent donc adopter une attitude responsable et professionnelle pendant l’exercice de leur mission. Nous voulons faire comprendre aux personnels de santé en Côte d’Ivoire qu’il est temps que les choses changent. Les usagers des hôpitaux publics ne peuvent plus être traités comme des parias du système de santé. Les personnels de santé doivent maintenant prendre conscience de leur rôle dans le fonctionnement du système de santé. Ils ont des droits et des devoirs.
Mais vu l’envergure des devoirs, nous pensons que ceux-ci doivent prendre le pas sur les droits tout simplement parce que de l’autre côté, les droits des usagers sont dans une certaine mesure beaucoup mieux protégés.

Les ivoiriens selon l’article 7 de la constitution du 1er août 2000 ont droit à un égal accès à la santé. Une fois à l’hôpital, ce sont les différentes chartes et conventions internationales qui viennent en appui à la constitution ivoirienne. Notamment, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui stipule en son article 25 que : « Toute... personne a droit à la sécurité et à la santé en cas de maladie » et la charte africaine des droits de l’homme qui reprend ce principe en son article 16 en allant plus loin et en affirmant que les États signataires « ...s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie ».

A ce stade de notre analyse, une question nous vient à l’esprit : que peut faire un médecin ou un agent de santé lorsque le plateau technique de l’établissement sanitaire dans lequel il exerce est totalement défaillant ? Ou lorsque les médicaments nécessaires aux soins les plus élémentaires sont inexistants ?

A côté des manquements des personnels hospitaliers, il y a ceux des autorités étatiques qui veulent obtenir des résultats satisfaisants sans y mettre les moyens. Les personnels de santé bien entendu ne travailleront qu’avec ce qu’ils ont. Ici c’est au gouvernement de prendre ses responsabilités afin de les mettre dans les meilleures conditions de travail. Rien n’est fait pour la mise en œuvre de textes juridiques efficaces et durables ayant trait à la pratique médicale. Pour un bon fonctionnement de la médecine, il faut des textes clairs et précis qui situent les uns et les autres sur leurs droits et leurs devoirs. Il faut aussi clarifier le jeu de la responsabilité médicale afin que patients et médecins connaissent les tenants et les aboutissants des actes qu’ils posent. Il faut prévoir et appliquer les sanctions en cas de fautes graves commises par les personnels de santé pour que les patients lorsqu’ils arrivent à l’hôpital se sentent protégés et en sécurité.

Le cas de la jeune Awa Fadiga, décédée le 25 mars dernier dans des conditions totalement inhumaines dans le service des urgences d’un hôpital public de Côte d’Ivoire n’est pas le premier. Nous souhaitons qu’il soit le dernier. Mais une chose est certaine c’est le cas qui fera bouger les lignes.



Dr SANOGO YANOURGA
Docteur en droit médical.

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